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Loi « immigration » : « Les postures politiciennes se sont d’emblée imposées au détriment de la démocratie représentative »

Le vote de la loi relative à l’immigration, le 19 décembre, est-il un « tremblement de terre » politique, comme on a pu le lire il y a quelques jours dans le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung ? A priori, l’historien se méfie de ce genre de formule dramatique qui, bien souvent, se dégonfle à l’épreuve du temps. Il n’en reste pas moins que la séquence qui a précédé ce vote est une illustration supplémentaire des dysfonctionnements de notre démocratie parlementaire et qu’elle risque fort de creuser encore un peu plus le fossé de défiance qui sépare les citoyens de leurs élus.
La première erreur réside à nos yeux dans le choix du calendrier de cette loi et dans la méthode qui a conduit à sa présentation. L’immigration est en effet un sujet éruptif depuis le XIXe siècle, lourd d’une histoire imprégnée par le racisme et les guerres de décolonisation, et qui a favorisé depuis plusieurs décennies la montée en puissance de l’extrême droite. Si l’on voulait faire de la politique autrement, comme c’était à l’origine le projet du président, Emmanuel Macron, il aurait été nécessaire d’arracher la préparation de ce projet aux outrances, aux fantasmes et aux instrumentalisations qui la corrodent depuis quarante ans.
Plutôt que de faire porter ce projet fourre-tout par un ministre de l’intérieur [Gérald Darmanin] qui entendait en faire un marchepied de son ascension politique, à l’instar de son modèle Nicolas Sarkozy, n’aurait-il pas été préférable d’en dissocier les enjeux économiques, sociaux, sanitaires, culturels, scientifiques, et de les faire traiter séparément, précisément, par les ministères concernés ?
Dans chacun de ces domaines, n’aurait-il pas été plus authentiquement démocratique de constituer des conventions citoyennes déconnectées des polémiques politiciennes ? C’était en somme le cas d’école idéal pour mettre en œuvre l’articulation entre démocratie participative et démocratie représentative, qui correspond à une demande sociale de plus en plus affirmée. Au nom de l’efficacité de la gouvernance, et surtout du tout « communicationnel », on est passé à côté de cette pédagogie démocratique.
Résultat, les postures politiciennes se sont d’emblée imposées, au détriment de la démocratie représentative. Alors que ce projet était présenté comme une concrétisation du « en même temps » présidentiel, les gauches l’ont rejeté au motif qu’il était rétrograde, et les droites qu’il était insuffisant.
Alors qu’une large majorité de Français semblait y être favorable, selon les sondages, une motion de rejet votée par tous les opposants a empêché qu’un véritable débat en séance puisse clarifier les positions. Leur responsabilité est grande dans ce déni de parlementarisme, à l’heure où au contraire le Parlement a besoin d’être légitimé et renforcé. La faute aussi bien à la Nupes [Nouvelle Union populaire écologique et sociale], figée sur la défense incantatoire de ses valeurs, qu’aux Républicains, arc-boutés sur la posture de la surenchère afin de braconner sur les terres du Rassemblement national. Quant à ce dernier, sa seule perspective est d’affaiblir le camp présidentiel.
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